A la rencontre de G.-O. Châteaureynaud

les élèves de 2nde 1 à la rencontre d’un écrivain vers la Nouvelle Fiction

(actualisé le )

Grâce à la Maison des écrivains et de la littérature (et au dispositif de « l’Ami Littéraire »), les élèves de 2nde 1 ont pu cette année rencontrer, le mardi 21 janvier 2009, Georges-Olivier Châteaureynaud...

Mais qui est donc Georges-Olivier Châteaureynaud ? C’est ce que les élèves ont pu découvrir au fur et à mesure de l’année jusqu’au jour fatidique de la rencontre...

 Le travail des élèves

I - Comme G.-O. Châteaureynaud est un nouvelliste d’expérience (et membre de nombreux jurys), et comme le genre de la nouvelle est au programme de la classe de 2nde, les élèves ont eu à lire au moins quatre nouvelles de notre auteur, extraites des recueils suivants : Le héros blessé au bras ; Le Goût de l’ombre ; et enfin Singe savant tabassé par deux clowns... Mais avant cela, les élèves durent franchir plusieurs étapes, définissant peu à peu le genre de la nouvelle :

1. Des lectures et analyses de nouvelles policières et noires (de J.M. Cain et Fred Vargas, en passant par J.-B. Pouy et D. Daeninckx...)

2. Un travail de comparaison des nouvelles précédentes avec des nouvelles réalistes du XIXème siècle, et bien sûr en particulier celles de Maupassant...

3. Ce travail sur le réalisme nous amena à une réflexion sur le lien, parfois ténu, entre fiction et fait divers (avec une réflexion sur la mise en intrigue de faits divers dans la presse...)

4. Du Maupassant réaliste, nous passâmes doucement, et presque imperceptiblement, au Maupassant fantastique : nous étudiâmes notamment Le Diable, Le Horla... (suivis de leur froide amie La Vénus d’Ille de Mérimée)

5. Mais les élèves n’en restèrent pas à contempler les fruits du travail des écrivains : ils eurent à écrire eux-mêmes, d’abord une nouvelle policière s’inspirant d’un fait divers précis, puis une nouvelle fantastique : il s’agissait de réécrire leur nouvelle policière en la faisant basculer dans une atmosphère fantastique...

6. C’est alors que les lectures des nouvelles de G.-O. Châteaureynaud entrèrent en scène, à la marge du fantastique... Un exposé fut demandé à chacun : il s’agissait de présenter le recueil choisi, les nouvelles lues, et les raisons motivant ces choix, il s’agissait également de sélectionner un passage qui avait marqué, et enfin de comparer le plus précisément possible ces nouvelles avec les nouvelles étudiées en cours...

7. A partir de là, les élèves eurent à trouver les questions qu’ils pourraient poser à G.-O. Châteaureynaud lorsqu’il viendrait. En effet, ils eurent l’occasion de mûrir ces questions à deux reprises : lors des exposés d’abord, puis lors de la lecture critique (et corrective) de la nouvelle fantastique de leur camarade et voisin.

II - Notre année se poursuivit avec un travail sur le portrait, et notamment sur les portraits romanesques de femmes. C’est ainsi que étudiâmes, le portrait de Mme Vauquer peint par Blazac dans Le père Goriot : cette femme à « l’embonpoint blafard » qui tient sa pension tel un « argousin » son « bagne », femme aux habits aussi « lézardés » que les murs de sa pension... Comment ne pas songer alors à Louise Jacaranda, la mère adoptive de Benoît Brisé, le jeune héros de L’Autre rive, l’un des derniers romans de G.-O. Châteaureynaud ? A Ecorcheville, sur les rives du Styx (oui, oui, le fleuve des enfers !), Benoît Brisé vit sa vie d’adolescent en quête d’identité, dans la villa Jacaranda issue des rêves de grandeur du fondateur de la « dynastie Jacaranda », un Péruvien « qui avait fait fortune aux beaux jours du guano » ; mais cette villa est maintenant tenue tant bien que mal par la mère adoptive de Benoît, Louise Jacaranda, ancienne chirurgienne à l’hygiène douteuse, puis « faiseuse d’anges » aux « ongles noirs » , et enfin taxidermiste de talent : femme à l’image de sa villa, comme Mme Vauquer l’est de sa pension...

A l’issue de ce travail sur les portraits de femmes, les élèves purent percevoir que des personnages des histoires de G.-O. Châteaureynaud revenaient, à l’instar de la « Comédie humaine » et des Rougon-Macquart, mais d’une manière moins systématique... Réflexion qui coïncidait avec une analyse des portraits de Nana (par Zola), dans le roman du même nom, puis dans L’Assommoir... Ces réflexions permirent évidemment de trouver de nouvelles questions à poser à notre auteur...

III - Peu de temps avant l’arrivée de notre auteur, tant attendu, les élèves eurent à faire une recherche au CDI sur les maisons d’édition et les prix littéraires, ainsi que sur la biographie de G.-O. Châteaureynaud. Vous trouverez le document de travail en pièce jointe.

C’est à cette occasion que les élèves découvrirent que l’œuvre de G.-O. Châteaureynaud avait été primée de nombreuses fois, jusqu’à très récemment :

 Prix Renaudot en 1982, pour La Faculté des Songes (roman publié chez Grasset)
 Prix Valéry Larbaud en 2003, pour Au fond du Paradis (roman publié chez Grasset)
 Bourse Goncourt de la nouvelle en 2005, pour Singe savant tabassé par deux clowns (recueil publié d’abord chez Grasset, puis en Livre de Poche)
 Prix des Éditeurs en 2006, pour le Jardin dans l’île (recueil de nouvelles édité notamment chez Zulma)
 Grand Prix de l’Imaginaire en 2009, pour L’Autre rive (roman publié chez Grasset)

Les élèves découvrirent également que G.-O. Châteaureynaud fut, après avoir été notamment brocanteur, lecteur au service « dramatiques » de France-Culture, administrateur de la Maison des écrivains pendant trois ans, président de la Société des Gens de Lettres de 2000 à 2002 ; les élèves apprirent enfin que notre auteur avait été, et était encore, membre de nombreux jurys, dont le Renaudot...

Ainsi, les élèves purent peaufiner leurs questions...

 Échantillons de questions

 Certains élèves, dont Benoît, se posaient des questions sur la nouvelle intitulée Le Styx, dans laquelle un personnage apprenait sa mort et devait franchir le fameux fleuve des enfers... Leurs questions permirent de saisir l’influence des mythes dans les nouvelles de G.O. Châteaureynaud.

 Nicolas se demandait si écrire un recueil était « difficile », et Florian P. demanda « combien de temps G.O. Châteaureynaud mettait en général pour écrire une nouvelle »... L’auteur expliqua alors aux élèves qu’une nouvelle était pour lui comme une “petite cabane”, et qu’il en allait tout autrement d’un roman, véritable “édifice” auquel il fallait donner des “fondations” solides... Le temps passé sur l’un ou l’autre genre fut ainsi évoqué : l’écriture d’une nouvelle se comptant en semaines, alors que l’écriture d’un roman se comptait en années.

 Jonathan posa une question sur la méthode de travail de l’écrivain : « Avez-vous un endroit ou une heure précise pour vous inspirer et écrire ? » A quoi l’auteur répondit que ce qui comptait essentiellement pour lui était la tranquillité, mais aussi sa bibliothèque - son outil de travail, se damnant pour un dictionnaire...

 Thibault, parmi d’autres, se demandait si G.O. Châteaureynaud écrivaient plusieurs histoires en même temps...

 Mais G.O. Châteaureynaud put aussi évoquer ses débuts, à l’occasion notamment d’une question d’un élève qui demanda si l’on avait déjà refusé l’un de ses manuscrits. Répondant par l’affirmative, notre écrivain, fort d’une longue expérience, expliqua combien il était nécessaire d’en passer par là...

 Enfin un élève se demandait si G.O. Châteaureynaud appartenait à une “école littéraire”. Notre écrivain nous parla alors de la « Nouvelle Fiction »...

Mais bien d’autres questions furent posées et tout alla finalement très vite, un peu trop vite peut-être : certains élèves avaient encore bien des choses à dire et à demander...

 Un élève eut l’occasion de lire à G.-O. Châteaureynaud la nouvelle qu’il avait écrite

Thibault a eu en effet l’occasion de lire la nouvelle qui avait déjà été évaluée dans la cadre de consignes scolaires ( : il s’agissait d’abord d’écrire une nouvelle policière à partir d’un fait divers, puis de réécrire cette nouvelle en la plongeant dans d’une atmosphère fantastique - diverses consignes liées au discours narratif et au genre de la nouvelle s’y ajoutaient...) Thibault put ainsi bénéficier, au-delà de l’évaluation de son professeur, des conseils avisés d’un écrivain et, qui plus est, membre de divers jurys... Vous pouvez retrouver la nouvelle de Thibault en pièce jointe...

Certains élèves n’ont pas eu l’occasion de lire leur nouvelle. Benoît nous livre malgré tout la sienne sur notre site, en pièce jointe.

 Épilogue : à la découverte de la Nouvelle Fiction

Comme G.-O. Châteaureynaud nous avait expliqué lors de cette rencontre qu’il appartenait à un groupe d’une dizaine d’écrivains ( dont F. Tristan, H. Haddad, J.-L. Moreau, M. Petit, F. Coupry, F. Berthelot, J.C. Bologne, S. Jouty et quelques autres), écrivains réunis sous la bannière « Nouvelle Fiction », nous avons décidé, dès le lendemain avec les élèves, de définir les enjeux de ce mouvement littéraire contemporain. Les élèves eurent ainsi à lire un groupement d’articles et d’entretiens plus ou moins complexes, et ce afin d’en extraire la « substantifique moelle »...

Ce travail nous a permis de répondre à l’une des questions qu’aurait voulu poser notamment Thibault : « vos nouvelles sont au bord du fantastique, mais pas entièrement dans le réel, pourquoi avoir créé ce “nouveau genre” ? Quel en est le but ? »

Les élèves ont d’abord saisi le conflit qui se jouait entre la Nouvelle Fiction et la littérature dite “néo-réaliste”, qualifiée par certains de “minimaliste” ou de “nombriliste”. Il s’agissait surtout de comprendre l’importance que la Nouvelle Fiction accordait à l’imaginaire et aux mythes, cette part fictionnelle qui donne du sens, qui fait que notre réalité humaine est ce qu’elle est, dans toute sa richesse...

Il s’agit, pour Thibault, l’un des élèves, reprenant ainsi les termes qu’il avait pu lire, de « révéler les rapports insoupçonnés entre les choses ».

Benoît et Thibault retiennent enfin, et ont noté, que « si la fiction forme le réel, et si elle peut raconter du surnaturel, il ne doit pas y avoir de distance entre le surnaturel et le naturel. » Ce qui expliquerait la particularité du registre fantastique chez G.O. Châteaureynaud : le surnaturel ne s’oppose pas au réel...

Après donc ce travail de réflexion et de reformulation de la part des élèves, nous avons ainsi pu retenir essentiellement, suivant en cela les propos de F. Coupry (dont la conférence est en pièce jointe), que pour la Nouvelle Fiction :
« 1) la fiction crée et engendre le réel
2) les fictions se reproduisent mutuellement tels deux miroirs face à face
3) la fiction donne du sens »

Pour des renseignements plus précis, vous trouverez en pièces jointes :
 L’extrait d’un entretien avec Marc Petit, par Eric Dussert, pour Le Matricule des Anges, n°024 – septembre-octobre 1998
 L’extrait d’un entretien avec Jean Claude Bologne, dont les propos ont été recueillis par Brigitte Aubonnet, pour Encres vagabondes

conférence de F. Coupry
colloque de Cerisy de juillet 2006


 La conférence « Nouvelle Fiction », de F. Coupry, conférence prononcée le mercredi 26 juillet 2006 au colloque de Cerisy « Science-fiction et Imaginaires contemporains »

Nous recommandons enfin chaudement :
 le site de Jean Claude Bologne, où l’on trouve plein de conseils bibliographiques
 le site de Sylvain Jouty, dans lequel vous trouverez un « dictionnaire noufique » (noufique = adj. Qui appartient à la Nouvelle Fiction) qui permet de saisir les enjeux de la Nouvelle Fiction tout en s’amusant, ou bien qui permet de s’amuser tout en saisissant les enjeux de la Nouvelle Fiction...

[G.O. Châteaureynaud ne se contente pas d’écrire ; il colle... Ce collage intitulé Deux soeurs étaient en guerre , que l’auteur nous a très gentiment permis de publier ici, nous donne un aperçu de l’étendue de l’univers fictionnel ou “noufique” de l’écrivain.]