Strange Fruit, de Billie Holiday

Quand Audrey imagine assister au concert de Billie Holiday

(actualisé le ) par Webmestre du lycée Jean Rostand

Audrey Lepère, élève du lycée, a écrit le texte suivant sur Billie Holiday suite à un travail en français avec Mme Valette sur la musique et plus particulièrement la chanson "Strange Fruit".

La chanson : http://www.dailymotion.com/video/x17hbu_strange-fruit-bholiday-sous-titree_music

Le texte d’Audrey :

C’était un soir d’automne,il faisait froid,et je marchais nonchalamment dans la rue. La lune était blonde et brillante, alors que les étoiles,par milliers, illuminaient le ciel comme une guirlande illumine un sapin de Noël. Soudainement,l a pluie arriva,et je pris alors la décision de me réfugier dans un bar.

En entrant, mes oreilles furent flattées par la musique qui se jouait sur la scène. Il y avait un homme blanc qui faisait du jazz, c’était tout simplement très beau, et je sentais par son interprétation, qu’il aimait ce qu’il faisait. Je m’assis sur un tabouret du bar. Le barman prit et prépara ma commande, alors que j’inspectais du regard le lieu. Une atmosphère de convivialité flottait doucement. La première chose que je remarquai fut qu’il n’y avait presque pas de séparation entre les noirs et les blancs -si ce n’est pour dire aucune séparation. C’était assez surprenant,car dans tous les bars et autres lieux où j’étais allé auparavant, il y avait une nette séparation. Une sorte de léger brouillard me piquait les yeux, sûrement la fumée des cigares et cigarettes. Tout le monde regardait et écoutait l’homme, buvant et chuchotant. Puis, l’homme stoppa sa musique, s’inclina devant la foule qui applaudissait, et il descendit de scène. Les spectateurs continuèrent un instant leurs applaudissement, faisant des commentaires.

La porte du fond de la salle s’ouvrit dans un grincement aigu et désagréable. Une grande femme noire apparut devant nous, et se dirigea vers la scène,le regard haut, comme pour éviter de croiser le nôtre. J’entendis un ou deux applaudissements, mais surtout, beaucoup de chuchotements. Le barman me donna ma boisson, en lançant un regard des plus haineux à la jeune femme. Elle se mit sur scène, droite et immobile, fixant le public à présent silencieux.
Une mélodie légère flotta comme une plume. Les notes jouées par le pianiste étaient douces et aiguës. La voix de la chanteuse se fit entendre. En harmonie avec la musique du pianiste, elle laissait sa voix voler et envahir nos oreilles.

Elle était immobile face à tout ce monde, seuls sa bouche et son visage bougeaient. Elle portait une grande robe très simple, et avait tiré ses cheveux en arrière, ce qui durcissait ses traits. Cette coiffure la vieillissait et faisait ressortir la douleur des épreuves qu’elle avait probablement dû surmonter. Sa voix forte et pourtant cassée se promenait dans la pièce, alors que des faiblesses se faisaient entendre.

L’émotion la submergea en quelques secondes, et fit descendre la tonalité de son chant. Le pianiste continuait de jouer. Les notes de piano et cette voix si belle allaient si bien ensemble. Elle force sa voix, et ses mots prennent le total contrôle de la pièce, la traversant d‘un coin à l’autre. Nous traversant. Nous, de simples spectateurs. Devant moi, une jeune femme fond littéralement en larmes, certainement touchée et bouleversée par des paroles si poignantes. Je fixais la chanteuse, qui continuait de chanter.

Sa voix se faisait plus cassée, alors que les notes du piano subissaient le même sort. J’entends derrière moi le barman, un blanc, jurer et dire que c’est du n’importe quoi. Je soupirai, et ne prit pas la peine de me retourner. Strange Fruit, Strange Fruit ... Ces mots résonnent dans mon esprit. C’est alors que, dans un éclair intérieur je compris le sens de cette si belle chanson. Je regardai autour de moi, tout le monde avait fixé son attention sur la femme noire, sauf bien sûr, la jeune femme en pleurs devant moi, qui semblait ne pas se calmer. Je passe alors ma main dans mes cheveux, les repoussant en arrière, puis, je la laisse glisser le long de ma joue humide. Humide ?

Je ne m’attendais pas à cela. Je pleurais comme un enfant. Des larmes chaudes et salées coulaient le long de ma joue. En si peu de temps, avec une simple chanson et une voix si belle, cette femme arrivée par les cuisines m’avait fait pleurer.

Sa dernière note se fit entendre. Un long « Ah », puissant et léger. Le piano ne jouant plus, nous laissant entendre cette si belle voix. Je tremble, je pleure, je reste assis sur mon tabouret. Une fois sa note finie, je me lève et j’applaudis, encore et encore,alors que le public fait de même.

Billie Holiday. J’entends ce nom dans le brouhaha de nos applaudissements et je sais au fond de moi que jamais je n’oublierai ce nom …

Audrey Lepère